Le concert "One to One", interprété par John Lennon et Yoko Ono lors de deux spectacles en plein air à Madison Square Garden, représente le seul concert complet donné par Lennon en tant qu'artiste solo, après la fin des Beatles. Ce concert, qui eut lieu en août 1972, se déroule à un moment où le couple vivait à New York depuis un an, profondément impliqué dans des manifestations anti-guerre et dans diverses causes militantes.
Cette époque marqua une période de forte tension politique, au point que l'administration Nixon chercha à expulser Lennon des États-Unis. Le concert constitua un cadeau pour leur ville d'adoption, et ce peu de temps après la sortie de l'album Some Time in New York City, un album au ton décalé qui fit sensation en juin 1972. Un album live du concert et une vidéo complète de la performance furent publiés en 1986.
Un documentaire différent : One to One: John et Yoko
Le cœur du documentaire de Kevin Macdonald, intitulé One to One: John et Yoko, repose sur des images inédites de ces spectacles. À première vue, ce film pourrait sembler être un documentaire de concert classique. Cependant, il se révèle bien plus complexe.
Grâce à une riche combinaison de reportages d'archive, de publicités, d'interviews contemporaines et de conversations téléphoniques récemment découvertes, Macdonald et son codirecteur Sam Rice-Edwards offrent au spectateur un voyage vertigineux à travers l'univers de Lennon et Ono dans cette période charnière. Plutôt que de se concentrer uniquement sur l'univers des Beatles, le film plonge dans les événements et tensions qui façonnèrent leur vie et leur art à cette époque.
Revitalisation de la musique et des images
Bien que One to One soit indéniablement un excellent documentaire de concert, il se distingue par sa capacité à revitaliser les chansons de Lennon, dont certaines avaient perdu de leur impact au fil des années. Le film, projeté en version IMAX avant sa sortie en salles, permet de redécouvrir la musique et les images d'une manière immersive. Macdonald et Rice-Edwards choisissent de structurer leur film de façon à imiter le zapping télévisuel, créant ainsi une atmosphère de frénésie propre aux années 70.
Le flot d'images se mêle harmonieusement aux événements marquants de l'époque, qu'il s'agisse de la guerre du Vietnam ou des scandales politiques, offrant une vision du monde à la fois chaotique et profondément interconnectée.
Paranoïa et société : Les années 70 sous l'objectif
Les cinéastes tissent des liens subtils entre les événements de l'époque, mettant en lumière la paranoïa grandissante qui allait bientôt englober la société américaine. Ils montrent comment cette paranoïa a pénétré tous les aspects de la culture populaire, allant des actions politiques aux attitudes vis-à-vis des figures emblématiques comme Bob Dylan. L'inquiétude face à la "trahison" de certaines idoles, le consumérisme effréné et le sentiment que l'industrie culturelle prenait le contrôle de la société sont des thèmes majeurs du film.
Le documentaire explore également comment la société et ses "machines" – qu'elles soient politiques ou commerciales – semblent prendre le dessus sur l'individu.
Yoko Ono : Une artiste complexe et déterminée
Le film révèle également une image nuancée de Yoko Ono, une figure complexe et déterminée. Contrairement à l'image souvent véhiculée de la femme en retrait, Yoko se révèle ici comme une artiste forte, précise dans ses relations avec ses collaborateurs et prête à se battre pour ses idées. Les images du concert montrent un John Lennon à la fois enfantin et perdu, mais aussi un homme impatient d'explorer de nouveaux horizons, aussi bien dans sa relation avec Yoko que dans son engagement politique.
Leur dynamique est fascinante : Lennon semble avide de direction, de leadership, et bien que Yoko le guide dans leur quête d'activisme, il est aussi prêt à se laisser mener.
Le chagrin de Yoko : La perte de sa fille
Une dimension particulièrement poignante du film est l'expression du chagrin de Yoko Ono, qui avait perdu le contact avec sa fille Kyoko, enlevée par son père. Cette douleur profonde traverse les performances de Yoko, notamment son interprétation de "Don't Worry Kyoko" lors du concert "One to One". Cette chanson devient un moment cathartique pour elle, mettant en lumière la perte et la souffrance qu'elle traverse. Une autre performance marquante de Yoko est sa présentation de "Looking Over My Hotel Window" lors d'une conférence féministe, une séquence brute et émotive qui laisse entrevoir la douleur de la perte à venir.
Le contexte politique : L'activisme et l'impact du concert
Une autre révélation cruciale du film réside dans le contexte du concert "One to One". À l'époque, Lennon et Ono avaient été profondément affectés par un reportage télévisé de Geraldo Rivera sur les conditions inhumaines à l’hôpital de Willowbrook, un établissement pour enfants handicapés mentaux situé sur Staten Island.
Ce reportage fut un catalyseur pour leur activisme, et "One to One" devint une manifestation tangible de leur soutien aux enfants de Willowbrook. Le concert prend ainsi une nouvelle signification, transformant un événement apparemment "détendu" en une action militante avec des conséquences réelles et immédiates.








Laisser une réponse