Dans la lignée de ARQ, The Adam Project, ou encore de l’injustement sous-estimé Rewind l’année dernière, Notre temps (Nuestros Tiempos) est le dernier film Netflix à explorer le thème du voyage dans le temps. Mais au lieu de fuir des tueurs en série ou de contrecarrer des mégalomanes, cette production mexicaine ancre sa science-fiction dans une réflexion sociale bien plus consciente.
Réalisé par Chava Cartas — dont la filmographie éclectique va de l’adaptation mexicaine d’Une fille bavarde (Acapulco) au film de zombies pour ados Mexzombies — ce film à petit budget suit Nora (interprétée par la star pop Lucero) et Hector (Benny Ibarra), un couple de physiciens travaillant sur un projet top secret à l’Université nationale autonome du Mexique. Nous sommes en 1966, et sans surprise, le mérite scientifique ne se partage pas équitablement.
« Si c’était ton mari qui demandait, il aurait eu une réponse immédiate », lâche Nora après une requête ignorée, illustrant à quel point le monde académique de l’époque était dominé par les hommes. Entre « Écoute, ma chérie » et « Non, non, ma douce », les remarques condescendantes pleuvent.
Mais alors que leur appareil steampunk censé « renverser la physique » risque d’être privé de financement, une idée de génie de Nora leur offre un dernier espoir... et un accident les propulse non pas quelques minutes dans le futur, mais directement en 2025.
Un « transducteur grillé » (la science est ici volontairement floue, voire absurde) empêche tout retour immédiat. S’ensuivent alors quelques scènes de décalage comique à faible enjeu, alors que le duo tente de s’adapter au monde moderne : fascination pour les téléphones (« Une machine qui les hypnotise ? »), ou confusion hilarante autour des expressions (« Tu as dit qu’ils étaient aromatisés ? »). Lucero, de retour à l’écran après 20 ans d’absence, prouve qu’elle n’a rien perdu de son timing comique.
Mais au-delà du voyage temporel, le véritable exploit de Notre temps est de convaincre cette icône, surnommée La Novia de América, de reprendre sa carrière d’actrice. Elle hérite des meilleures répliques du film – sa réaction face à une chanson intitulée Baby, Shake That Booty for Me est inoubliable – et incarne brillamment une héroïne à la fois drôle et engagée, même lorsque le film tente quelques incursions plus profondes.
Un film court, des ambitions longues
Avec ses 90 minutes, Notre temps reste malheureusement en surface. Le duo ne dispose que de 24 heures pour tirer des conclusions radicales sur la société actuelle. Nora s’émerveille des avancées en matière d’égalité, d’expression de soi et de sexualité, tandis qu’Hector se montre désorienté – voire hostile – face à un monde où la domination masculine ne va plus de soi.
La descente d’Hector vers une masculinité toxique est express : un instant, il soutient les compétences de sa femme, l’instant suivant, il interrompt son discours de la Journée internationale des droits des femmes avec une tirade qui aurait pu sortir tout droit d’un podcast masculiniste. Et lorsqu’il se lamente, aux côtés d’autres hommes frustrés, qu’on ne peut « même plus poser une main sur l’épaule d’une femme », on sent le personnage prêt à devenir une caricature d’indignation viriliste.
Le message féministe, parfois brouillé
Le film peine toutefois à maintenir sa cohérence. Certaines scènes, notamment avec des adolescentes Gen Z, tombent à plat : « Tu es un garçon ou une fille ? » demande Nora. « Je ne me définis pas par un genre, mais par une vibe », répond l'une d’elles — une ligne écrite plus pour provoquer que pour faire réfléchir. Le message perd alors en subtilité.
La fin, surtout, laisse un goût amer. Après avoir semblé remettre en question les rapports de pouvoir genrés, le film opte pour une résolution étonnamment rétrograde. L’alchimie entre Nora et Hector ne convainc jamais vraiment, et leur romance prend une place disproportionnée par rapport au reste du propos.
Quand le film s’appuie sur ses personnages féminins, il brille
Mais Notre temps trouve sa force lorsqu’il se concentre sur son héroïne. Nora est épaulée par Julia (Ofelia Medina), une ancienne étudiante devenue doyenne, et par Alondra (Renata Vaca), sa petite-nièce, qui apporte une fraîcheur et une empathie sincère. Ces personnages féminins forment un trio générationnel vibrant, qui donne au film son cœur et son authenticité.
Alors, non, Notre temps n’est pas un chef-d’œuvre de science-fiction. Sa critique sociale est parfois simpliste, ses personnages masculins sont unidimensionnels, et sa fin mériterait une réécriture. Mais porté par le charisme de Lucero et quelques moments de comédie réussie, ce film reste une curiosité attachante, à défaut d’être révolutionnaire.








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